Ce n’est une surprise pour personne : le DC Extended Universe est dans la tourmente. La série d’adaptation de l’univers DC Comics, comprenant les personnages de Batman, Superman, Wonder Woman, Aquaman ou encore Flash, se retrouve en concurrence face au mastodonte Marvel, ce qui l’expose à des retombées critiques souvent excessives. Après le mésestimé Batman v Superman et le controversé Suicide Squad, Warner Bros, titulaire des droits d’adaptation, est la cible de nouvelles rumeurs. Cette fois-ci, selon certains médias américains, Ben Affleck, génial interprète d’un Batman violent et torturée, ne serait plus motivé à reprendre son rôle pour la suite. Une information à prendre avec des pincettes, mais qui témoigne de la difficulté de DC Comics d’exister comme il l’entend au cinéma.

Batman v Superman et Suicide Squad, même univers, même Chevalier Noir. Apparu dans les deux longs métrages de Warner Bros, Batman se pose en véritable icône de cinéma. Vous êtes sûrement nombreux à l’avoir aimé dans le BvS de Zack Snyder. Véritable proposition de cinéma sur la religion et la politique intérieure américaine, le film dépasse largement son statut de simple gigablockbuster super-héroïque, devenant la production du genre la plus marquante depuis la trilogie Dark Knight de Christopher Nolan. Le personnage de Batman est présenté comme vieillissant, torturé et surtout empli de violence, n’hésitant pas à tuer ses ennemis de façon brutale. Un caractère inédit au cinéma, renforcé par la performance impériale de Ben Affleck, transformé physiquement et transcendé par le super-héros. Le personnage est d’ailleurs l’un de ses favoris et l’acteur-réalisateur a décidé de poursuivre l’aventure pour pas moins de douze apparitions dans le DCEU. Vous avez sûrement dû le voir dans Suicide Squad, affrontant notamment Deadshot, le Joker et Harley Quinn. Tout semblait être au beau fixe pour Batman et DC Comics, proposant des films matures et plus enclins à un public adulte, aussi impressionnants que marquants.

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Batman v Superman, film le plus mésestimé de 2016 (Image : Warner Bros Pictures)

Malheureusement, les critiques en ont décidé autrement. Un syndrome de bashing particulièrement étrange (et injuste) s’est abattu sur Batman v Superman, prétextant un film « pas fun » ou « pas drôle », quand les précédentes aventures du super-héros, notamment avec Christopher Nolan, n’ont jamais eu cette intention. Il en est de même pour Suicide Squad, même si on ne sauvera que les personnages et l’humour d’un long métrage bricolé en post production par son studio. A partir de ce moment, de nombreuses rumeurs se sont acharnées sur Warner Bros et le DC Universe. Tout d’abord, évoquant une catastrophe artistique pour Wonder Woman et désormais, sur l’adaptation de Batman par Ben Affleck. Si dans un premier temps, ce dernier comptait écrire, produire, jouer et réaliser le long métrage, il a finalement abandonné la réalisation pour se concentrer sur l’écriture et le jeu d’acteur. On pourrait amplement mettre en cause l’énorme flop de son sous-estimé (encore, oui) Live By Night, accusant des pertes de 75 millions de dollars. Mais l’intéressé a confirmé que cela n’avait aucun lien. Matt Reeves (le génial Cloverfield, le très bon Planète des Singes : l’affrontement) l’a remplacé au pied levé (on regrette tout de même un peu George Miller) pour satisfaire Warner, mais les fans commencent à s’inquiéter. Et c’est le 14 février qu’une nouvelle bombe est lâchée par Collider, confirmée à demi-mots par Forbes et relayée par la majorité des médias de cinéma et de comics. Ben Affleck ne souhaiterait plus jouer Batman. La nouvelle est assez choquante et sous-entend énormément de choses en interne chez Warner Bros. Grands fans de Batman v Superman et surtout du Batman incarné par Affleck, on a souhaité calmer le jeu et tenté de recoller les morceaux ensemble d’une rumeur qui semble improbable sur l’instant.

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Batfleck, piétinant Dieu (Image : Warner Bros Pictures)

La nouvelle provient de Collider Movie Talk et plus précisément de John Campea, haut responsable du site d’information. Selon lui, trois sources différentes et très proches de Warner Bros lui auraient affirmé que Ben Affleck voudrait se retirer de The Batman, avant même son tournage. Il ajoute toutefois que son apparition pourrait être,  au mieux, sa dernière dans le costume du super-héros. Une source à prendre avec de très grandes pincettes puisque c’est ce même homme qui a annoncé le tournage de reshoot pour Rogue One : a Star Wars story afin de « sauver le scénario ». De même, après tous les rebondissements décrits précédemment, on se demande pourquoi se donner autant de mal à sauver un long-métrage qui pourrait très bien être annulé sur le champ. A ce moment-là, deux théories sont privilégiées. Premièrement, Ben Affleck a déclaré tout cela en interne, suite à l’échec de son précédent film, mais ne souhaite pas se désister pour autant (il reste toujours producteur et auteur du long-métrage). Ou bien, à l’inverse, l’acteur-réalisateur souhaiterait réellement se désister après cet opus-là de Batman, préférant se diriger vers des projets plus intimistes. Curieusement, on croit plus à la seconde hypothèse (malgré le contrat béton d’engagement sur douze films) mais on reste toujours aussi optimiste. En réalité, il est juste curieux de voir s’affoler les fans. Ne pourrait-il pas être logique pour Ben Affleck, de quitter un rôle en 2019 après ce The Batman, afin de garder une réelle crédibilité artistique ? Si on théorise la présence de l’interprète sur l’ensemble des longs métrages DC jusqu’au projet The Batman, Affleck serait présent dans sept films (BvS, Suicide Squad, Wonder Woman, Justice League, Aquaman, Flash et The Batman). Un total déjà honorable, surtout qu’il serait au premier plan dans au moins trois productions. De même, l’interprète aurait produit l’ensemble de ses apparitions, lui permettant de réunir les fonds nécessaires à la production d’un long métrage moins enclin à cartonner au box-office.

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Un Sadfleck, c’est toujours triste (Image : Warner Bros Pictures)

Un élément perturbateur semble pour le moins récurrent depuis quelques temps : Warner Bros. Le fameux studio hollywoodien, connu pour offrir de belles opportunités à de grands réalisateurs (Stanley Kubrick, Clint Eastwood, Christopher Nolan, George Miller), semble de moins en moins enclin à débloquer des budgets. Après le bricolage de Suicide Squad (remonté par une société de marketing, auteure du trailer Bohemian Rapsody, une sacré honte) et de nombreuses exigences commerciales, la major semble jouer en sa défaveur. Après tout, nous ne sommes pas à l’abri de réelles divergences artistiques, tout comme on peut craindre un Justice League bien en deçà des espérances. Si l’échec de Live by Night est extrêmement sévère compte tenu des qualités existantes du film, on se demande aussi si ce ne serait pas Warner Bros elle-même qui souhaiterait niveler vers le bas le talent de sa vedette. A la rédaction, on considère Ben Affleck comme un vrai réalisateur, avec de réelles idées de mises en scène (à défaut de révolutionner le cadrage) et un talent pour intensifier ses films. Si la major hollywoodienne considère l’auteur comme potentiellement « peu rentable », jamais elle ne lui laisserait le champ libre pour un aussi ample blockbuster. Malheureusement et les exemples sont nombreux, il n’y a rien de pire pour un auteur que se voir spolier par des exigences de studio (coucou Josh Trank, John McTiernan, David Ayer, etc). Tout cela pourrait être confirmé par les déclarations d’Affleck pour la promotion de sa dernière œuvre. « C’est un peu frustrant. Live by Night m’a pris un an et demi à écrire et j’ai travaillé très dur, et tout le monde s’en foutait. Personne ne me demandait : ‘Où en est Live by Night ?’ Mais avec Batman, on n’arrête pas de me dire : ‘Où est Batman putain ?’ Et je réponds : ‘Je travaille ! Donnez-moi une seconde ! ». Ce long métrage n’ayant pas trouvé son public, on se doute que le cinéaste ne serait plus aussi motivé qu’avant, à satisfaire les plans d’un studio, plutôt que de produire des œuvres plus personnelles. Cependant, on se dit que l’arrivée de Matt Reeves n’est pas si grave, surtout si on prend avec un peu plus de recul le projet. Quel homme a été récemment réalisateur, producteur, auteur et acteur principal d’un blockbuster hollywoodien ? Personne. Tout ce qu’on espère, c’est qu’un compromis sera trouvé, Ben Affleck ayant avant tout parlé d’un assistant pour la réalisation, même s’il en abandonnait l’étiquette. On continue de croire en ce DCEU, univers cinématographique en pleine naissance, systématiquement comparé à Marvel (et jamais pour de bonnes raisons) et mésestimé dans ses intentions filmiques. Entre nous, on préfère largement attendre un Wonder Woman qui marquerait un tournant féministe à Hollywood ou Justice League, gigaproduction de plus de trois heures, produits par George Miller (le déjà culte Mad Max : Fury Road) et Ben Affleck bien sûr. Jusqu’à leur sortie (juin et novembre 2017), laissons Warner Bros travailler tranquillement.

Louis Verdoux